Disque ami : Jacky Molard, 4

Les gestes musicaux esquissent, délimitent et désignent des formes dont certaines se plaisent à pouvoir être, produisant en quelque sorte des musiques de peut-être, et d’autres pour qui - on pourrait dire à l’inverse - chercher c’est être. Et être ne se contente jamais d’être. C’est la marque du désir, nullement enchâssée. Le quartet de Jacky Molard joue l’être sans condition. Empreintes invincibles, quatre albums : Jacky Molard Acoustic Quartet (2007), N'Diale (2010, avec Foune Diarra Trio), Suites (2012), Mycelium (2018). C’est peu, c’est beaucoup, c’est exact, le désir sans obscurité.

Et puis (l’annonce de la sortie est un premier mai), ce printemps 2025, éclot un cinquième épisode : 4. Pas exactement un album diront les spécialistes tatillons, puisqu’il n’y a que cinq titres et 27 minutes, techniquement : un Extended Play (EP). Selon la définition : plus de titres qu’un single et moins qu’un album. Et pourtant il s’agit bien d’un album, un plein album (comme par exemple La jetée de Chris Marker est bien un plein film), un album qui a son temps, son temps nécessaire face aux nécessités du temps : un véritable extended play, jeu étendu, formidablement étendu. 4 comporte cinq titres délivrés par les quatre complices : Yannick Jory aux saxophones alto et soprano, Janick Martin à l’accordéon diatonique, Hélène Labarrière à la contrebasse et Jacky Molard au violon.

Extended Play, l’extension commence par la très aiguillonnée composition de la contrebassiste : « Asphyxie Climatique ». La musique en réflexe salvateur, comme expérience donnant naissance à la conversation et la conversation, c’est la danse et la danse, c’est la faille permanente contre la fatalité. Cohésion, cohérence, accord, harmonie, constance, équilibre… les mots semblent manquer pour décrire au plus près cette extraordinaire bande, là tout en haut. Le sentiment amical fait mieux qu’aider la musique en fourmillante et solidaire réalité. « En attendant la prophétie », situation posée par le violoniste dans la Celtic procession de Jacques Pellen parue en 1997 et reposée dix ans plus tard dans le premier album du Jacky Molard Quartet, connaît ici une nouvelle version de cette permanence augmentée. En attendant, on n'attend pas et c’est bien ce qu’en toute patience éclairée, cet étourdissant groupe joue de toute cette féconde vitalité amicale hors de tous masques, de toute solennité convenue, de toute prévention inutile.

Le Jacky Molard Quartet (on pourra s’amuser d’y voir un anagramme d’initiales de la fameuse et référentielle formation de John Lewis) jongle avec quatre visages d’unité, fait pleinement sien l’espace à parcourir dans une lumière neuve, contre la fatalité. 4 est bien un cinquième album déterminant de tout son accroissement. Toute une histoire. Musique de l’être.

Jacky Molard, 4 (Mojola – 2025)