Disque ami : Jean-Marc Foussat, Abattage
   
 

Abattage n’a pas d’âge. Le mot est apparu en 1265, année de naissance de Dante Alighieri, auteur de la Divine Comédie. On connaît le terme, qui a ses racines dans La Chanson de Roland, pour ce qui concerne la boucherie et la déforestation, moins pour ce qu’il signifiait au XIXe siècle : « Vive réprimande ».

En 1983, Jean-Marc Foussat publie son premier album Abattage. Musicien de ce qu’il est commun de nommer « expérimental » faute d’allongement des dictionnaires spécialisés, il est aussi l’enregistreur fou qui promène son magnétophone Revox à travers toute la galaxie de ce qui se fait d’un peu neuf, de ce qui fait peau neuve. Pour ce faire, il crée (avec la complicité de son frère Pierre) sa propre maison, Pyjama, ancêtre de Fou Records, enseigne qui témoigne aujourd’hui activement, opiniâtrement et progressivement d’une vive interprétation des échos du sentiment du temps et de quelques-unes de ses urgences. Achèvement, signal et point d’ouverture qui semblent aller vers l’infini. Magnifiquement agencé, Abattage prophétise par la dimension sonore, qui est sans doute celle de la poésie crue (celle que l’on croit parce qu’elle n’est pas cuite), par « la petite musique de nuisance » (pour reprendre le mot de la revue Jazz Ensuite à sa sortie en 1983), et par une assez inédite conjouissance.

Abattage vient d’être (enfin) réédité en CD (avec sa belle pochette d’origine et en sus un livret splendide où les talents visuels des Foussat, Jean-Marc et Pierre, et leur amie Griotte, apostillent les qualités musicales de l'enregistrement), circonscrivant un autre périmètre que celui des heureux collectionneurs d’un disque mythique (comme on dit dans la presse spécialisée – valeur « culte ») et le rendant si heureusement disponible en toute nécessité. Cet album est autant un avertissement (une réprimande) ô combien valable de nos jours, qu’une précieuse séquence d’un moment où nous n’avons pas assez perçu les possibles qui s’offraient à nous. En profondeur, rien n’est plus neuf que cette comédie divine : ne vous laissez pas abattre. C’est ce que semble nous dire Abattage !


 
Jean Marc Foussat : Abattage (Fou records n°50)
 
 
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