Disque ami : Stephan Oliva,
Ghosts of Bernard Herrmann
   
 

Le film Les liens du Sang de Jacques Maillot respire d'une musique signée Stephan Oliva qui s'immisce là comme les empreintes digitales prouvent la présence et l'identité des êtres. L'intérêt du très passionnant pianiste Stephan Oliva pour le cinéma ne date pas d'hier et sa rencontre avec le producteur Philippe Ghielmeti a permis l'émergence de matières et de récits conjugués et finement ciselés en albums (disques) d'une incroyable et digne intensité contenue.

Après Miroirs et 8 Femmes Seules et L'Échafaud, étonnantes rêveries quasi tarkovskiennes mâtinées Melville, Ghosts of Bernard Herrmann relève un défi insensé : célébrer l'imposant compositeur et ses thèmes à l'invasion parfaitement justifiée en habitant chacun personnellement.

Bernard Herrmann a bousculé la musique de film en prenant la direction opposée à celles qui se dessinaient alors et pour longtemps, celles des évidences pesantes ou de la discrétion sans empreinte. Chez lui : ni lourdeur, ni légèreté et là réside son mystère. Herrmann ne tolérait pas les compromis (ce fut même la raison de sa brouille avec Welles). Être de présence intégrale, il joua d'homme à homme avec Orson Welles des leurs deux premiers films.

Cette présence, il la vit ensuite dans Le Fantôme de Madame Muir ou Le Jour où la terre s'arrêta de Robert Wise qui resitue largement la musicalité de la science-fiction filmée.

Hitchcock et Herrmann auront une des collaborations les plus époustouflantes de l'histoire du cinéma bien que Sir Alfred, gêné par l'ombre que lui faisait progressivement son musicien, le renvoya de honteuse manière pour Le Rideau déchiré (qui se souvient de la partition de John Addison ?). Jason et les Argonautes, Les Voyages de Gulliver sont autres oeuvres marquantes du musicien caractériel. Truffaut, par Hitchcockisme, l'engagea pour La mariée était en noir, mais échoua.

La musique d'Herrmann est exigeante et demande de grands films. Scorcese l'a compris avec Taxi Driver (qui voit la mort d'Herrmann lors de la dernière séance d'enregistrement) en lui faisant place nette. Car Herrmann ne travaille pas sur l'oubli, le simple soulignement, la distance, les bons et loyaux services, Herrmann offre de la mémoire ajoutée au film. Herrmann avait sa vision.

Et c'est là que Stephan Oliva ébouriffe car c'est exactement à cet endroit qu'il se situe lorsqu'il touche à bras le corps de ces incroyables classiques. Stephan Oliva épouse alors l'empreinte des fantômes du compositeur et, sans aucune peur, les suit dans les méandres de l'édifice pour aller jusqu'à s'y substituer parfois (extraordinaire suite de Vertigo - il fallait oser) en nous jouant assurément qu'il n'est rien de meilleur pour revenir que de partir.


Stephan Oliva : Ghosts of Bernard Herrmann - Illusions
www.illusionsgraphic.com/oliva.html
 
 
 
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