Le 3 septembre 1980, dans la petite Chapelle de Chantenay-Villedieu secrètement nichée au cœur de la Sarthe, s’installent des micros devant les contrebasses de Beb Guérin et François Méchali : c’est alors que commence l’aventure des disques nato.


De Chantenay-Villedieu à Minneapolis, ceux-ci chantent sur le chemin le récit d’une réalité multiple. Ici, on fait bois de toute eau. On se moque des questions de style, on se refuse à entrer dans les boîtes qui se profilent, on emprunte volontiers les sentiers buissonniers, on épie l'histoire, on raconte pour vivre la musique de découverte en découverte. Ce jeu de dominos d’une tribu sans limites où l’on questionne volontiers les codes, cherche les entrées (les sorties aussi, c’est selon), tente l’incessante remise en jeu, embrasse la complexité du réel, se voue avec ferveur à son insatiabilité féroce, s’amourache du rêve…

De ce parcours étoilé de quelque 130 stations, émergent des histoires de résistances, celle de l’anarchiste espagnol Buenaventura Durruti, des Indiens Crazy Horse, Sitting Bull, Leonard Peltier, Louis Riel et Leroy Jackson, de Che Guevara, Fred Hampton, Patrice Lumumba ou de la Commune ; se dressent, sur le boulevard du crépuscule, les figures animées des Marx Brothers, Alfred Hitchcock, Jean-Luc Godard, Doris Day ou Maria Montez ; sont éclairées d’une lumière intemporelle les mémoires de Federico Garcia Lorca tandis que les tours de passe-passe d’Erik Satie, Don Cherry et Sidney Bechet nous emportent joyeusement et que nous surprennent avec grâce l’ombre de l’espion Kim Philby, l’élégance d’Anne Marie Beretta, les bonds de Charles Trenet, les pirouettes de Spirou ou les devinettes de Benjamin Péret.


Mais par-delà ces figures, évoquées de temps à autre comme partie d’un inestimable trésor, c’est bien l’expression pleine et entière d’artistes non retenus qui se joue avec pour principal moteur : la place de la musique dans le monde qui l’entoure. La musique comme regard, la musique comme récit, la musique comme débat, la musique comme cœur.

Témoin reconnu de cette expérience délicieusement protéiforme : le Chronatoscaphe, objet baladeur, qui en illustrations, photographies, textes et musique, permet de remonter le temps de nato et visiter ses 25 premières années.