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Nous savons qu’il
existe une maison du dictionnaire et un dictionnaire de
la maison. La maison nato a donc eu envie de
rassembler ses mots : autant de codes, de clés,
de signes et d'intentions qui relient et rallient. Réverbères
du chemin des écoliers, ceux du diconato éclairent
un peu davantage la syntaxe fantaisie de ce langage incontrôlé.
Choisissez un mot ci-dessous :
Wounded Knee : massacre
Wounded Knee est une de ces tragédies indicatrices de la marche du monde comme le sont la raffle du Vel d'Hiv à Paris les 16 et 17 juillet 1942, le massacre du 17 octobre 1961 à Paris, ceux d'Oradour sur Glane le 10 juin 1944, de My Lai le 16 mars 1968, de Nankin le 13 décembre 1937, de Sand Creek le 29 novembre 1864, de Jedwabne le 10 juillet 1941, d'Amritsar le 13 avril 1919, de Sabra et Chatila les 16 et 17 septembre 1982, de Tlatelolco le 2 octobre 1968, de Marzabotto le 29 septembre 1944, de Kortelisy, d'Odessa le 22 octobre 1941, le 23 septembre 1942, de Setif le 8 mai 1945, la répression de Kronstadt le 21 mars 1921, le bombardement de Guernica le 26 avril 1937, de Dresde le 14 février 1945, d'Hiroshima le 6 août 1945, de Stalingrad le 23 août 1942. Interminable liste... À chaque fois une cible civile, enfants, femmes et hommes innocents par nature et forcément sans armes, atrocement exécutés par les ennemis de la différence. Des villages, des communautés qui deviennent en quelques instants autant de symboles sinistres de l'irréparable et plus sinistre encore de la reconduction froide de ces actes terminant à chaque fois l'humanité.
Dans les livres d'histoire, le massacre de Wounded Knee a été longtemps baptisé bataille de Wounded Knee afin de trouver avec honneur un événement de clôture aux guerres indiennes. Sur la plaque commémorative, le mot massacre a été surajouté en épaisseur pour remplacer le très insupportablement injuste terme de bataille.
En 1890, sous l'impulsion du Paiute Wovoka estimant avoir reçu une révélation, se déclenche le mouvement de la Ghost Dance prédisant la disparition de l'homme blanc. Chez les Lakotas, Short Bull et Kicking Bear sont deux des premiers adeptes et entraînent d'autres Lakotas de la réserve de Standing Rock à danser pour lutter contre le désespoir. Cette danse des esprits, toute inoffensive qu'elle fut inquiète les autorités américaines. Même si Sitting Bull, leader Hunkpapa, est loin d'être convaincu par cette pratique, il la favorise y voyant un peu d'encouragement à l'espoir en ces temps tragiques. Pour cette raison, son arrestation est ordonnée le 15 décembre 1890 et validée par le général Nelson Miles. Sitting Bull est tué lors de celle-ci ainsi que 11 de ses compagnons. 38 Hunkpapas prennent la fuite pour se réfugier plus au sud dans la réserve de Cheyenne River dans le camp du vieux et malade chef Lakota Minneconjou, Big Foot, partisan de la Ghost Dance. L'arrestation de Big Foot est ordonnée par Miles et les 300 Minneconjous abandonnent leur village pour demander protection au chef Lakota Oglala Red Cloud dans la réserve de Pine Ridge. L'armée se déploie avec trois régiments dont le 7ème de cavalerie (battu sous la conduite du Général George Armstrong Custer à Little Big Horn 14 années auparavant) et le groupe de fuyards est arrêté puis escorté à Wounded Knee, dans le camp indien 120 hommes - dont de nombreux vieillards - et 230 femmes et enfants. Le matin suivant, les Indiens se réveillent encerclés par une batterie de mitrailleuses Hotchkiss (fleuron de la modernité militaire). Le colonel James W. Forsyth, arrivé pendant la nuit, décrète la déportation des Lakotas dans un camp militaire à Omaha dans le Nebraska. Le Général John Brooke a également reçu l'ordre de désarmer les Indiens. Les Lakotas sont rassemblés et déposent leurs quelques armes, les soldats fouillent violemment les tentes, ce qui provoque humiliation et colère. Alors que les soldats essaient maladroitement de désarmer Black Coyote, un Lakota qui avait gardé son fusil, un coup de feu part accidentellement. La riposte est immédiate et une fusillade éclate. Les mitrailleuses font rage alors que les survivants essaient de se dégager, et tirent sans relâche sur tous les Indiens sans distinction. Le feu est si nourri que les membres du 7ème de cavalerie tuent certains des soldats de leur propre régiment. L'armée américaine est depuis ce jour célèbre pour causer de nombreuses pertes dans ses propres rangs, ce qui se vérifie jusqu'en Irak. Les militaires ordonnent à des civils rapidement embauchés de creuser une fosse commune pour enterrer les victimes dénombrées : 84 hommes et garçons, 44 femmes, et 18 enfants. D'autres blessés lakotas meurent à l'hôpital de Pine Ridge des suites de leurs blessures.
Si le Colonel Forsyth a été désavoué par le Général Miles (qui le premier a fait état du terme de massacre et non de bataille comme les manuels d'histoire révisée l'ont ensuite proclamé), Forysth a été reconduit dans ses fonctions par le Secrétariat à la guerre. Pis, 20 médailles honorifiques sont attribuées à des soldats du 7e de cavalerie pour leur conduite durant le massacre.
En 1973, Wounded Knee est le théâtre d'un affrontement entre les autorités fédérales et les militants de l'"American Indian Movement" soutenus par les villageois qui y ont élu domicile à titre revendicatif en y organisant une communauté viable. Plus de 2.000 agents du FBI assistés de policiers fédéraux cernent la ville et organisent un blocus avec des véhicules blindés. Le siège dure 71 jours et fait deux morts du côté de l'AIM.
A lire : Sur la Piste de Big Foot de Guy Le Querrec (Textuel)
A écouter : Buried my Heart at Wounded Knee de Buffy Saine-Marie

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